vendredi 30 juin 2017

La politique a horreur du vide

La photo officielle du président Macron (photo © Soazig de la Moissonnière),
J.-L. Mélenchon à l'Assemblée nationale (photo © AP Photo)

Le constat n’a rien de nouveau mais il est utile à rappeler tant la scène française s’adonne au jeu de dupes. Macron sait ce qu’il fait quand il s’affiche et communique. Il ne casse pas les « codes » comme on l’entend dire. Il s’efforce simplement de les moderniser pour leur assurer une nouvelle vie. Il n’a rien d’un « passeur » aventurier. Il a même une aversion confirmée du risque. Il fait donc ce que lui et ses équipes savent faire, plutôt avec efficacité si l’on en croit les sondages. Sauf que cela ne suffit pas à redresser la situation d’un pays plutôt mal en point à bien des égards et qui n’a pas changé par la grâce d’une élection confirmée par une autre. La convocation du Congrès ne mérite pas qu’on lui consacre tant d’encre et de salive pour disserter sur le moment ou la forme. En revanche, le contenu est important selon que le Président aura décidé de parler pour ne rien dire ou qu’il se risquera sur le terrain de ce qu’il a prétendu vouloir changer.

Les gesticulations d’opposition sont symétriques. Mélenchon fait parler de lui et de son groupe sans rien dire de plus sur le fond. Il reste assis quand les autres se lèvent. Il ôte sa cravate ou en desserre le nœud quand les autres réajustent la leur. Il ne fera pas le voyage de Versailles quand les autres iront en bandes. Et alors serait-on tenté d’écrire ? Son opposition consisterait-elle à un trouble passage de l’hologramme au vide. On remarquera au passage que les autres oppositions parlementaires ne font pas mieux comme si toutes avaient été prises au piège de l’homme qui parlait à l’oreille de l’opinion, réussissant à renvoyer les journalistes et autres médiateurs à la vacuité de commentaires sans contenu. Si champ de ruines il y a, c’est bien dans cette attirance du vide qui prépare souvent le pire. Seule tentative pour s’en extraire pour l’instant, celle de Hamon qui entend « sortir du huis clos socialiste » pour penser, inventer un autre possible.

Nous préférerons également et toujours l’intervention sur le fond des choses là où gît une petite chance de changer le cours des évènements courants. Mieux vaut interpeller et miser sur l’intelligence des citoyens que sur de ridicules postures qui se révèlent toujours inefficaces. Macron ne peut pas dans un discours sur « l’état de l’Union » à la française ne pas s’exprimer sur ce ressourcement démocratique qu’il disait vouloir susciter. Les institutions de la Ve République sont à bout de souffle. Le triste spectacle d’une Assemblée, renouvelée, mais toujours aussi pléthorique et ne représentant que très imparfaitement les électeurs le confirme. C’est également le cas du Sénat qui n’a rien d’une chambre représentative des territoires et où le mode de scrutin est encore plus antidémocratique ne servant qu’à s’assurer des majorités « augmentées » par l’artifice.

Il faut fixer le cap d’une refondation institutionnelle qu’on la décrive comme une VIe République en gestation ou pas. La chambre des députés dont le nombre doit être significativement réduit pour pouvoir travailler devrait être élue à la proportionnelle à un tour dans les circonscriptions régionales. Le Sénat doit représenter directement les régions à la proportionnelle et en proportion du nombre de leurs habitants. Mais ce n’est pas tout car aussi longtemps que l’essentiel continuera de dépendre du pouvoir présidentiel, le compte démocratique n’y sera pas. Il faut donc abolir cette pratique solitaire en Europe de l’élection du Président au suffrage universel direct pour transférer son investiture au Parlement et supprimer ce pouvoir « jupitérien » de dissolution qui n’est que l’exact opposé de la norme parlementaire et démocratique classique. Des réformes qui pour être partagées exigent un processus constituant. C’est à l’aune de ces exigences que devra être jugé l’engagement démocratique de Macron.

Même tableau saisissant en ce qui concerne les questions budgétaires. En refusant la procédure du collectif, le gouvernement s’est « condamné » à opérer par coupes claires dans l’exécution budgétaire avant le débat sur la Loi de finances 2018. La Cour des comptes en révélant « l’insincérité » du dernier budget hollandais – fierté des socialistes idolâtres ! – ne livre pas un scoop. Trouver quelque 5 milliards pour rentrer dans les clous européens au moment où la croissance semble solide ne devrait pas être si difficile. Pourtant, les ajustements envisagés par Le Maire et Philippe, hommes pétris des fondamentaux de la droite, peuvent « tout casser » ou à défaut « ralentir » par des mesures intempestives visant le pouvoir d’achat des ménages ou d’une fraction d’entre eux, en l’occurrence les fonctionnaires. Mieux vaudrait taper « juste » par l’abolition de privilèges indus dans la montagne de niches fiscales.

La nouvelle loi Travail plus évanescente que jamais après la communication en conseil des ministres de Muriel Pénicaud ouvre les mêmes alternatives, d’autant plus urgentes à clarifier qu’en ce domaine beaucoup réside dans les détails et la pratique sociale qu’ils alimentent. Si rien n’est fait pour assurer la représentation équitable des salariés dans les instances de direction des entreprises, alors le « dialogue équilibré » à ce niveau d’organisation de la vie économique et sociale se révélera un leurre grossier. La
« marche vers le progrès » autorise sans doute aménagements et expérimentations, mais à la condition qu'elle ne soit pas un cheval de Troie camouflant des régressions, ni que jamais l’on ne revienne en arrière au nom d’un « sauvetage de la dernière chance » qui équivaut souvent, si ce n’est toujours, à précipiter le naufrage qui aurait lieu de toute façon. Les garanties de la hiérarchie des normes, constitutive de l’État de droit, doivent permettre une décentralisation sans régression sociale. Le fameux « droit à l’erreur » n’a enfin de sens que s’il est accordé à tous et non à quelques-uns. Trois critères pour juger de l’équilibre des politiques publiques qu’entendent mettre en œuvre le Président et son Premier ministre.


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