mardi 27 juin 2017

Transition, clarification, complications

E. Macron alors ministre de l'Économie et le député R. Ferrand (photo archive © afp.com/F. Tanneau)

L’époque comme d’autres avant elle l’exige au nom de la transition. Pas de transition crédible en effet sans clarification. Ce fut fait en partie au gouvernement avec les départs de Ferrand, Bayrou et De Sarnez, tous soupçonnés de pratiques non conformes à l'honnêteté, voire à la loi. Le temps du Parlement est venu. On retrouve pourtant les mêmes personnages accrochés à quelques prébendes au nom d’arguments plus contestables les uns que les autres. Ferrand en particulier, élu à l’unanimité – mauvais signe ! – président du groupe majoritaire. De Sarnez, candidate à la présidence de la commission des Affaires étrangères après avoir dû renoncer à briguer la présidence du groupe Modem. Jamais deux sans trois. Quant au perchoir tant convoité pour ce qu’il procure d’avantages indus, le multicarte et louvoyant François de Rugy s’en empare sans plus de considération pour la parité, toujours « bridée » quand il s’agit des vraies responsabilités. Mais l’essentiel est ailleurs dans cette Assemblée qui a tous les moyens de s’accorder avec les attentes de la population en renonçant à ce qui fait son régime dérogatoire à la loi générale. En matière d’abus de pouvoir, de rémunération et de fiscalité avec la suppression de la réserve parlementaire, la fiscalisation de tous les revenus, le renoncement au régime spécial de retraite, l’adoption des mêmes règles que Bruxelles en ce qui concerne les postes de collaborateurs parlementaires… elle peut et doit assurer sa crédibilité en s’appliquant les engagements pris. Il serait navrant que les bonnes intentions ne vaillent que pour la prochaine législature, pour demain, pour plus tard, trop tard au regard des exigences d’exemplarité et de transparence. Mention annexe pour le départ de Valls du PS et son inscription comme apparenté du groupe En marche, symbole d’une dérive mal assurée.

Clarification encore et complications en ce qui concerne les politiques européenne et étrangère. La feuille de route présidentielle passe par l’Ukraine où il s’agit de forcer Poutine au respect de l’intégrité territoriale d’un État associé à l’Union. Le processus de Minsk devait le permettre mais il est « bloqué », obéissant à un rituel consistant à réaffirmer solennellement les objectifs à intervalles réguliers sans que rien ne change sur le terrain « occupé » par les troupes du maître du Kremlin, s’en défend-il sans convaincre. Il n’est que temps de hausser le ton, le niveau des sanctions et sans doute aussi de porter la question sur l’arène onusienne où Moscou a beaucoup plus à perdre. Fermeté qui ne saurait en revanche au nom des priorités justifier une moindre préoccupation et une action plus aléatoire en ce qui concerne la scène des conflits proche-orientaux. En ne faisant plus du départ d’Assad une priorité, Macron s’enferme dans une contradiction quand dans le même temps, il déclare que la France serait prête à « frapper », même seule, en cas de nouveau recours du régime syrien à l’arme chimique. Erreur car l’un ne va pas sans l’autre au moment où la perspective d’une libération territoriale se dessine à Raqqa comme à Mossoul mais avec un énorme point d’interrogation sur les conditions de la transition démocratique vers la paix et un développement décisif pour éradiquer les racines de l’Islamisme. L’Onu est au moins en retard d’une « paix » qu’elle n’a nullement anticipée. Sans compter, la crise entre le Qatar et ses voisins qui pour être encore cantonnée au terrain diplomatique peut déraper vers la confrontation des armes. La naissance probable parce qu’inévitable sur le terrain d’un Kurdistan indépendant soulève des questions analogues quant au développement et aux droits des minorités.

Clarification toujours en ce qui concerne l’austérité en Europe. Les pays qui ont refusé l’austérité chère à Schaüble et Dijsselbloem ne s’en portent que mieux, ont-ils dû « résister » dos au mur. Ainsi le gouvernement grec voit sa note relevée avec une perspective « stable » par l’agence Moody’s. Hommage du vice à la vertu après que la population a payé un lourd, trop lourd tribut aux exigences des prêteurs créanciers. Tsipras s’en sort avec les honneurs car que serait-il arrivé, sinon une catastrophe, sans sa gestion courageuse. Raison de plus pour que la restructuration de la dette d’Athènes soit réglée au plus tard au lendemain des élections de septembre en Allemagne. Schultz se saisit d’ailleurs de l’austérité prônée et mise en œuvre selon lui par Merkel. Elle la vanta en effet et l’imposa aux autres. Elle ne s’y est pas tenue en ce qui concerne le pouvoir d’achat des Allemands mais elle n’a rien fait pour transformer l’excédent colossal – 250 milliards l’an dernier – en levier de croissance dans le pays et chez ses voisins. L’exemplaire redressement portugais à l’initiative de la majorité de gauche unitaire de Costa est encore plus signifiant. 2,8 % de croissance en rythme annualisé, des investissements publics conséquents mais, il est vrai, une dette à 130 % du Pib. La mutualisation au moins partielle de ces fardeaux inutiles est plus que jamais une nécessité de saine gestion, n’en déplaise à Schaüble, Merkel et associés. Reste le débat explosif sur le sauvetage de certaines banques en faillite. Madrid a appliqué la manière forte en exonérant le contribuable de tout apport renvoyant la balle aux seuls actionnaires. Rome, à l’inverse, engloutit pas moins de 17 milliards de fonds publics dans le sauvetage de deux banques vénitiennes. La clarification s’impose à Paris où l’on ne dit rien bien qu’il faille choisir entre ces deux options. Le Maire préfère des déclarations intempestives dénonçant « une France droguée à la dépense publique ».

Clarification enfin, à moins qu’il ne s’agisse d’embrouillaminis, sur le droit du travail. Les ordonnances seront servies en hors-d’œuvre au Parlement début juillet. Elles posent trois problèmes distincts aggravant les risques de manière concomitante. Celui du caractère antidémocratique du recours à ce procédé expéditif que constitue la procédure qui relègue le Parlement au rôle d’une simple chambre d’enregistrement a posteriori qui plus est sur un sujet « délicat » et qui a déjà fait l’objet des brutalités du 49.3. Le choix n’est pas heureux, d’autant, seconde objection, qu’il repose sur une contrevérité. Ce n’est pas le Code du travail qui bride l’embauche. Ce qui a plombé l’emploi depuis bien trop longtemps, c’est une économie « administrée » au profit des entreprises – la politique de l’offre – qui a gravement nui à la croissance, laissant le pays loin derrière la plupart de ses partenaires. Au moment où les signes d’un probable rattrapage se précisent, le chômage ne serait-il que « stabilisé », il est de mauvaise politique de « brouiller » les cartes pour satisfaire une clientèle entrepreneuriale qui n’embauchera pas plus demain qu’elle ne l’a fait hier. Mieux vaudrait la « contraindre » par le soutien à la consommation des ménages principal moteur de la croissance par le carnet de commandes. Et puis, troisième question laissée béante avant la rédaction définitive de chacune d’entre elles, que contiendront exactement ces fameuses ordonnances ? Une dangereuse inversion systématisée de la hiérarchie des normes en matière d’accords contractuels, un CDI de projet – limité dans le temps – reprenant le contrat de chantier du bâtiment en le généralisant… Ce n’est pas clair et c’est inquiétant au moment où Castaner, l’ancien « socialiste », ose déclarer que « les chômeurs ne rêvent pas d’un CDI, mais d’un boulot ». Le refus de la précarité est pourtant essentiel pour une politique de croissance vertueuse comme l’ont démontré plusieurs études. Gare à la « simplification » hâtive et contre-productive par la déréglementation.



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