Rosa Parks © DR |
À
la veille de ce 8 mars, je souhaite évoquer la lutte des femmes pour
leur émancipation et celle de l’ensemble du genre humain. Rien de tel
pour conforter notre détermination que le souvenir de celles qui nous
ont précédées et l’affirmation de notre solidarité avec celles qui se
battent, comme nous, toujours avec le même objectif, l’égalité des
droits. Ce fil rouge de la résistance à l’injustice qui nous lie les
unes aux autres, par-delà les époques et les conditions particulières,
nous rend plus fortes même si le chemin est encore long... Une juste
cause finit toujours par triompher à plus forte raison si nous affirmons
avec nos aînées, que de justes droits ne se mendient pas, ils se
conquièrent, ils s’imposent !
Je me souviens d’Olympe de Gouges et de la première Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.
Olympe se battit pour nos droits comme elle lutta pour l’abolition de
l’esclavage parce qu’en matière de droits humains et démocratiques tout
se tient. Elle le fit par la plume et par le théâtre fondant sa propre
troupe pour mieux convaincre. Olympe mourut sur l’échafaud en 1793 de la
main d’une révolution qui dévore parfois ses enfants.
Je me souviens de Louise Michel,
l’institutrice communarde qui porta avec ses compagnes et compagnons de
lutte, la première expérience radicalement démocratique de l’histoire
humaine. Celle de la Commune de Paris dont nous célébrerons
l’anniversaire, le 18 mars, avec une marche et un grand meeting du Front
de gauche à Paris, entre Nation et Bastille. Sous la Commune, tous
votaient sans distinction de genre ou d’origine. Sous la Commune, tous
les élus devaient rendre des comptes et étaient susceptibles d’être
révoqué. La Commune ne dura qu’un peu plus de deux mois et les
Versaillais la noyèrent dans le sang pendant la Semaine sanglante.
Louise fut arrêtée et déportée en Calédonie où elle eut toutes les
peines du monde pour imposer à ses frères de misère, déportés comme
elle, le respect de plus malheureux qu’eux, les Kanaks. Oui, tout se
tenait pour elle aussi, comme pour nous, partisans de l’humain d’abord.
Je me souviens de Marie Curie,
l’immigrée polonaise, la physicienne qu’un misérable Guéant aurait
peut-être expulsée au nom d’imbéciles quotas d’immigration. Elle fut une
scientifique de premier plan par la volonté de l’intelligence, par-delà
les obstacles et le mépris de certains de ses pairs parce qu’elle était
femme et qu’elle leur faisait de l’ombre. Marie dénotait dans un monde,
une Université qui avait eu le plus grand mal à accepter que les femmes
puissent être les égales des hommes dans ce domaine comme dans tous les
autres. Les lycées de filles ne furent institués en France qu’en 1880
par la loi Camille Sée et jusqu’en 1924 où l’on fusionna enfin les
programmes, les filles ne pouvaient que se présenter en « candidate
libre » au bac. Oui, l’école publique, celle de la République a été
elle-même un lieu de l’inégalité sociale et des discriminations envers
les femmes, envers les filles. Tout se tient encore.
Je me souviens de Rosa Luxemburg,
immigrée elle aussi, Juive, Polonaise, Allemande et avant tout
Européenne. Elle, la Spartakiste, fut la principale dirigeante de la
Révolution allemande des conseils ouvriers de novembre 1918 après avoir
été la résistante farouche à la boucherie de 1914-1918. Jamais elle ne
céda sur la perspective des États-unis d’Europe qu’elle voulait
socialistes, comme moi, sans en faire un préalable. Jamais Rosa ne céda
non plus sur les impératifs démocratiques y compris quand elle exigeait
de ses camarades Bolcheviks qu’ils convoquent une nouvelle Assemblée
constituante si la précédente avait fait son temps. Rosa
l’internationaliste inflexible, l’anticolonialiste qui se sentait
partout chez elle « de par le vaste monde, là où il y a des oiseaux, des nuages et des larmes
», comme elle l’écrivait joliment à une copine, de sa prison du Wedding
à Berlin. Rosa, massacrée par les paramilitaires des corps francs en
janvier 1919 mais Rosa dont se revendiquent aujourd’hui toutes les
composantes du mouvement ouvrier européen.
Je me souviens solidairement de trois femmes. Elles se nommaient Cécile Brunschvicg, Suzanne Lacore, Irène Joliot-Curie.
Elles furent ministres ou plus exactement sous-secrétaires d’État du
Front populaire respectivement à l’Éducation, à la Santé et à la
Recherche scientifique. Membres du gouvernement, comme les petites mains
de la couture, comme les vendeuses des grands magasins, comme toutes
les ouvrières, comme toutes les femmes de cette douce France, elles
n’avaient pas le droit de vote. Il ne nous sera « accordé » qu’en 1945.
Leur compétence associée à leur engagement contribua cependant de
manière décisive à la reconnaissance de nos droits civiques.
Je me souviens d’Olga Bancic,
juive roumaine, immigrée, morte pour la libération de la France et de
l’Europe du joug nazi. Seule femme du groupe Manouchian, groupe
communiste FTP-MOI, celui de l’Affiche rouge, Olga fut décapitée à la
hache le 10 mai 1944 à Stuttgart après que ses compagnons de combat ont
été fusillés. Les Barbares dans leurs criminelles entreprises
distinguent encore les hommes et les femmes auxquelles ils réservent la
mort la plus cruelle. Je souhaite que Dijon et d’autres villes se
souviennent enfin d’Olga et de son combat à l’occasion du 8 mai
prochain.
Je me souviens de Rosa Parks,
la couturière afro-américaine qui osa, en 1955, à Montgomery – Alabama,
USA – s’asseoir à l’avant d’un bus, endroit réservé « White only » et
qui par ce simple geste, témoignage d’un courage hors du commun qui lui
valut la prison, contribua à l’élan initial du mouvement pour les droits
civiques outre-Atlantique. Rosa est décédée en 2005 heureuse que
d’autres femmes, d’autres afro-américaines notamment, au premier rang
desquelles Angela Davis, aient poursuivi le combat.
Je me souviens de Djamila Bouhired,toujours
vivante et toujours active. Résistante algérienne atrocement torturée
par les paras après avoir été une Française contrainte et de seconde
zone, sans droits, comme tous les habitants de ces territoires colonisés
où la République avait un visage grimaçant, celui de la répression et
de la torture, celui de Papon et de Le Pen, celui de Massu et de
Bigeard. À Dijon, nous honorons depuis quelques années déjà, le souvenir
des victimes du colonialisme français dont beaucoup de femmes... le
souvenir de plusieurs dizaines de milliers de civils tombés sous les
bombes françaises à Sétif et Guelma le 8 mai 1945, le jour ou l’Europe
se libérait enfin du nazisme.
Moi,
fille d’un ancien combattant d’origine marocaine à qui l’on dénie
toujours le droit de voter... Moi, Dijonnaise, à qui une obscure
fonctionnaire de la préfecture proposa l’année de mes 16 ans de
« franciser » mon prénom en Nadine ou Nadège plus présentable sans doute
à ses yeux que celui de Najate... j’affirme que ces humiliations sont
contraires à l’égalité des droits que nous revendiquons pour toutes les
femmes, pour tous les êtres humains.
J’affirme ma solidarité avec Sakineh
l’Iranienne, sauvée in extremis de la lapidation pour adultère par la
mobilisation internationale. Toujours détenue, humiliée et sous la
menace d’une exécution par pendaison parce que les brutes enturbannées
de Téhéran n’ont pas renoncé. Ne l’oublions pas !
J’affirme ma solidarité avec Naamas
l’Israélienne d’origine américaine, pas encore une femme ni même une
jeune fille mais une petite fille de 8 ans... insultée, menacée sur le
chemin de l’école par les « talibans » juifs orthodoxes de Beit
Shemesch, à une trentaine de kilomètres de Jérusalem, parce qu’elle
n’était pas habillée « de manière suffisamment modeste ». Ne l’oublions
pas !
J’affirme ma solidarité avec les femmes américaines
qui espéraient, comme s’y était engagé Obama, que leur contraception
serait désormais prise en charge financièrement par leur employeur. Une
autre confrérie, le lobby catholique, ne l’entendait pas ainsi et il a
obtenu de l’administration US la reconnaissance d’un prétendu droit à
l’objection de conscience qui permettra aux patrons catholiques de ne
pas payer. Ne les oublions pas !
J’affirme ma solidarité avec toutes les femmes, connues ou inconnues,
qui luttent de par le monde pour leurs droits, nos droits, ceux de
toute l’humanité. Oui, la route est encore longue, mais rien ne nous
arrêtera parce que l’égalité des droits pour toutes et tous est la
condition de notre libération et de celle du genre humain. Sarkozy,
Guéant, Le Pen et leurs semblables sont prévenus. Nous n’y renoncerons
jamais ni pour nous, ni même pour nos filles et nos fils.
Vive les luttes des femmes pour leurs droits !
Vive les luttes des peuples pour leur libération sociale et démocratique !
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