vendredi 22 septembre 2017

Macron hyperprésident

Lors de la 72e assemblée des Nations unies le 19 septembre (photo © AP).

Il est partout. On ne voit que lui. Au point de se demander à quoi servent ses ministres et le premier d’entre eux en particulier. Cette hyperprésidence forcément brouillonne perturbe le « jeu » démocratique. La succession sur un rythme accéléré de séquences décisionnelles dans le cadre d’institutions, celles de la Ve République, qui entravent l’échange, l’amendement et la production législative n’est pas « saine ». Le recours aux ordonnances aggrave encore le « problème ». L’État n’est pas une entreprise, à supposer que cela puisse être efficient dans ce cadre, ce qui n’est pas davantage démontré. L’ajout de quelques scènes d’empathie à l’intention des « sujets » qui subiront les décisions de la direction ne change naturellement rien à l’affaire. Pour ouvrir le débat sur la « démocratie », c’est par là qu’il faut commencer et non par quelques sentences réductrices pour savoir si celle-ci naît du vote ou de la rue, s’épanouit dans l’hémicycle ou dans l’opinion. Ce n’est jamais une question purement formelle comme le démontre également la crise catalane. La démocratie parlementaire dans un régime politique qui en France ne l’est pas ne peut se réduire aux apparences. Le renouvellement partiel du Sénat avec un mode de scrutin particulièrement antidémocratique, le week-end prochain, ne suscitera ainsi qu’indifférence générale. Sur la réforme de l’État, la majorité En Marche fait en effet du surplace. L’alchimie démocratique qui ferait que des décisions mûries rencontreraient l’assentiment largement majoritaire – non des majorités étriquées – de citoyens responsables et éclairés est à mille lieues de l’exception française en Europe. « Ça » peut marcher un certain temps en début de quinquennat, mais cela se retourne ensuite contre le pouvoir en place. Alors, ce sont les contre-pouvoirs virtuels dont celui de la rue mobilisée qui s’expriment et heureusement… faute de mieux.

Encore faut-il que les lignes de partage de l’opinion soient claires sur le fond. Que l’intérêt général ne se confonde pas avec quelques « niches » catégorielles, voire avec la survivance d’une « justice » plus qu’imparfaite et discutable dans son principe comme l’est celle des chambres prud’homales. Ce n’est pas le cas à ce jour avec un mouvement social qui s’est laissé « piéger » dans une négociation à sens unique. Le « multilatéralisme » dont l’on fait grand cas à juste titre à la tribune des Nations unies s’est réduit dans le champ des relations sociales à de simples allers-retours certes nombreux mais particulièrement improductifs. Toutes les organisations syndicales sont sorties affaiblies de la manœuvre quand bien même la plupart ont tiré un avantage secondaire du processus initié par la ministre du Travail, habile DRH d’une maison France qui précisément ne peut fonctionner de la sorte. Comment s’étonner ensuite que le rapport de force ne soit pas au rendez-vous, qu’il y ait moins de manifestants le 21 que le 12 septembre, que les perspectives de convergence soient remises à plus tard ? Les directions syndicales en portent collectivement la lourde responsabilité, serait-elle inégalement partagée. Le jeu trouble, solitaire et sectaire de Mélenchon ajoute encore à la confusion. De là à en faire un « factieux », comme s’y emploie Valls, lui-même grand amateur de l’expéditif 49.3, il y a de la marge. Il faut donc remettre les choses à plat pour dessiner les contours d’un nouveau modèle social sur fond de reprise durable de l’activité économique qui autorise l’audace d’une plus grande égalité des revenus, d’une solidarité plus généreuse envers les accidentés de la vie fondée sur un impôt plus progressif, d’un mieux vivre individuel et collectif dans une société enfin plus « humaine ».

Ce qui est vrai à l’échelle locale ou nationale l’est à plus forte raison en Europe où les élections allemandes peuvent modifier la donne. Merkel partante pour un quatrième mandat sans doute mais avec quelle majorité, la « grande coalition » sortante – CDU/CSU SPD – étant probablement devenue caduque en raison de l’affaiblissement de la social-démocratie allemande. Le retour du FDP – Freie Demokratische Partei (Parti libéral-démocrate) – au Parlement et éventuellement au pouvoir serait une mauvaise nouvelle pour l’Allemagne comme pour l’Europe tant cette formation s’est « droitisée » sur une base réactionnaire en particulier à propos de l’accueil et de l’intégration des immigrés comme sur le devenir de l’Union. Qu’iraient faire les Verts dans cette galère ? Pire encore, l’accession probable des néofascistes au Parlement – donnés à plus de 10 % des suffrages par les sondages – sonnerait le glas de l’exception allemande en la matière, même si la contagion de larges secteurs de l’opinion par la rhétorique fasciste pendant les années de crise est désormais derrière nous. Les crises de l’UKIP en Grande-Bretagne et du FN en France, les deux soutiens les plus fermes de l’Afd allemande, le soulignent. Il reste qu’en raison des questions ouvertes – intégration politique, restructuration industrielle (Siemens - Alston, Naval Group Fincantieri… ), « démocratisation » de la zone euro, etc. – l’heure d’une recomposition directement européenne et non plus strictement nationale a sonné. Sur ce plan, après un activisme de circonstance, le Président français s’est montré bien chiche à l’Onu, affichant avant tout la grandeur retrouvée d’une France qu’il veut leader planétaire.

Le discours devant l’Assemblée annuelle des Nations unies – 72e du genre – a tranché par le ton résolument « national » du propos – « Un miracle, une rémanence, une persistance rétinienne », dira-t-il. Moins sur le fond que sur la forme tant Macron diplomate s’est profilé comme l’autre leader occidental face à Trump. Beaucoup de redites sur le « multilatéralisme » mais quelques nouveautés. Sur le processus politique en Syrie – le départ d’Assad n’est plus un « préalable » même s’il est un « criminel » – où il vient au secours de Poutine empêtré dans un processus « partiel » enlisé, proposant de lui substituer un cadre élargi à tous les acteurs concernés, précisant à l’intention de Téhéran que puisque Trump ne veut pas d’Iranien à la table, la France est prête à jouer le « go between ». D’autant plus efficace que Paris défend à juste titre l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, mais Berlin tout autant avec des intérêts économiques sur place qui ne sont pas moindres. Même logique sur le Kurdistan où Macron propose à Erbil plutôt que l’indépendance acquise sur le terrain une intégration avec une large autonomie dans l’ensemble irakien en escomptant de substantielles retombées économiques de part et d’autre. De quoi satisfaire Bagdad comme Ankara d'où Erdogan s’immisce dans les élections allemandes. Sur le climat enfin, l’insistance est mise sur le sommet de la fin d’année à Paris indiquant une volonté, pour l’heure imprécise, de le tourner vers des décisions plutôt que des proclamations. À vérifier sur ce terrain comme sur tous les autres car l’hyperactivité n’est pas forcément garante de résultats. 



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire