mardi 10 octobre 2017

Parti pris du 10 octobre 2017

À Barcelone dimanche 8 octobre contre l'indépendance de la Catalogne (photo © AFP) ; en France, des salariés de la fonction publique hospitalière en grève ce mardi 10 octobre (photo © SIPA).

Amère leçon de choses catalane. Les dés sont jetés et, sans être définitivement jouée, la « déconnexion » voulue par l’hétéroclite coalition indépendantiste à Barcelone débouche sur un formidable « gâchis ». Rajoy n’a rien gagné si ce n’est de se maintenir encore au pouvoir à Madrid mais Puigdemont, lui, a tout perdu. La logique du fait accompli s’est fracassée en l’espace de quelques jours sous les coups de boutoir du marché et face à l’opposition si ce n’est d’une majorité, du moins d’un grand nombre de citoyens refusant l’impasse d’une rupture des solidarités entre la Catalogne et les autres régions espagnoles. Les dizaines d’entreprises installées en Catalogne qui ont annoncé vouloir en partir dans l’urgence témoignent d’un grave échec économique aux conséquences assez imprévisibles. Si elles devaient ne pas revenir sur leur décision, alors l’une des provinces espagnoles parmi les plus prospères, si ce n’est la plus riche – près de 22 % du Pib –, connaîtrait une relégation que ne méritent aucunement les Catalans. Une partie essentielle du tissu économique, des banques aux startups, a voté sans appel contre l’aventure de la rupture avec Madrid. Et la rue, elle aussi a parlé. La mobilisation nationaliste avait été considérable la semaine dernière mais celles pour l’unité n’ont pas été moindres, seraient-elles orphelines d’une traduction directement politique. Avec les manifestations des opposants traditionnels à l’indépendance, de la droite aux socialistes, moins « espagnolistes » en général que l’on pouvait le craindre. Avec également d’innombrables manifestations en faveur de la paix civile, de l’unité revisitée et du dialogue renvoyant dos à dos Rajoy et Puigdemont. Le renoncement à une déclaration unilatérale d’indépendance doit s’imposer pour ouvrir la voie à un autre processus plus réaliste. Il s’agit de répondre en Catalogne comme dans les autres provinces espagnoles à l’aspiration des citoyens à décider par eux-mêmes de ce qui les concerne sans que les solidarités dans l’ensemble espagnol ne soient abolies. La voie de la raison constructive défendue avec force par la Maire de Barcelone et de nombreux Européens, Espagnols et Catalans doit l’emporter. Ni déclaration d’indépendance, ni présence de la garde civile ne peuvent y contribuer. L’une et l’autre doivent être retirées sans délai. Bruxelles doit enfin s’inviter à la table de négociations transparentes pour éviter l’enlisement dans une crise destructrice. Barcelone et la Catalogne ne seront pas « fusillées » pour l’exemple. Car si ce devait être le cas au prétexte d’un misérable petit calcul cynique, l’UE aurait beaucoup de mal à s’en remettre. Ceux qui s’y soumettraient à Bruxelles et dans les autres capitales de l’Union se déshonoreraient définitivement. Il n’est pas trop tard en effet pour porter haut et fort les couleurs d’une solution européenne fondatrice pour une organisation territoriale tout à la fois fédérale et respectueuse d’une vraie subsidiarité démocratique qui conjuguerait l’efficacité du tous ensemble solidaire avec le droit à l’expérimentation autonome la plus large.

Scène de « clash » à la française. Philippe fait face à une situation « délicate ». Les fonctionnaires, beaucoup du moins, sont en grève à l’appel unitaire des fédérations syndicales. Non le prélude d’un mouvement d’ensemble, d’une grève générale, mais le signe d’une exaspération devant le constat que la croissance revenue ne profite guère aux agents de l’État et au-delà aux salariés. La « fabrication » du prochain budget y est pour beaucoup. Donner une priorité absolue au soutien de l’économie par « l’offre » en malmenant la « demande », seule capable de la soutenir durablement, ne relève pas d’un « mix » équilibré. La justice sociale comme l’efficacité économique en pâtissent. L’absence d’un projet de réforme de l’État et de ses trois fonctions publiques aggrave le malaise. Il ne suffira pas que l’augmentation de 1,7 % de CSG soit compensée pour que le compte y soit. L’école, l’hôpital, les collectivités exigent bien davantage. La France en retard sur ses voisins gaspille les sommes qu’elle y consacre – 57 % du Pib, 5 points au-dessus de la moyenne européenne – alors que ses enseignants sont mal payés, ses policiers sous-équipés, sa justice sous-dotée et que ses territoires subissent les lourdeurs du millefeuille administratif et de ses départements inutiles. Les symboles qui fâchent s’en mêlent. Une réforme de l’ISF non compensée par un impôt sur le revenu plus progressif dans le haut du tableau, des situations aberrantes comme celle d’une cadre de la SNCF, payée plus de 52 000 euros par mois avant de devenir ministre des armées. Le pouvoir méconnaît les enjeux sociaux après des années d’austérité. La situation chaotique des campus et la misère de nombre d’étudiants mettent en évidence l’injustice quand le regain de croissance profite aux moins mal lotis – artisans, commerçants et petits entrepreneurs… – et que tous les autres ont le sentiment d’avoir « attendu » en vain. Le projet d’une prise en charge enfin réelle de la santé des jeunes est nécessaire, heurterait-il les intérêts des officines syndicales qui en tirent profit, mais ce n’est pas de nature à résoudre la crise de l’enseignement supérieur et de ses échecs à former en masse. Les centrales syndicales ne proposent pas cependant d’objectifs unitaires et mobilisateurs à ce mécontentement diffus se disposant à entrer en « négociation » sur la formation professionnelle en ordre dispersé comme ce fut le cas sur le Code du travail avec les résultats que l’on sait, la division et des bénéfices d’appareil sans rapport avec les attentes des salariés voire celles de leurs mandants. Le gouvernement en tire avantage comptant en outre sur les crises parallèles de la quasi-totalité des formations politiques – PME Le Pen, Les Républicains - « France audacieuse » des élus avec Estrosi, prise de distance avec Wauquiez de Baroin après Pécresse… –, du PS en proie aux règlements de compte et de la France insoumise abonnée aux « dérapages » en série. Comme dirait Macron, un beau « bordel », qui a l’insigne avantage de lui laisser les mains libres faute de contre-pouvoirs véritables.    

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